Comment maîtriser sa stratégie immobilière
Contrairement aux idées reçues, la situation en fin de bail des locataires de bureaux commerciaux est particulièrement avantagée par le statut de la propriété commerciale.
Ils disposent en effet de deux outils – tout aussi efficaces que méconnus – qui leur permettent, au terme du congé, de se maintenir légalement dans les lieux loués pendant un délai minimum de trois années.
Mieux encore, ils sont en mesure de mettre fin à tout moment à cette occupation si tel est leur choix !
Premièrement, se défaire de quelques idées reçues…
Les délais en fin de bail du locataire de bureaux sur son bailleur
Beaucoup de locataires, titulaires d’un bail commercial à usage de bureaux parvenant à son terme, se croient à tort soumis à des délais et optent souvent prématurément pour la restitution de leurs locaux ou le renouvellement de leur bail. Pourtant une bonne exploitation des textes leur offre une maîtrise particulièrement efficace du facteur temps et leur permet de choisir au mieux de leurs intérêts et avec le temps nécessaire, entre le renouvellement de leur bail et le transfert de leur siège social ou de leurs établissements secondaires sur d’autres sites.
La poursuite du bail par tacite prolongation à défaut de congé ou de demande de renouvellement
Seule la signification d’un congé ou d’une demande de renouvellement permet de mettre fin au bail en cours : à défaut le bail se poursuit par tacite prolongation. Bailleurs et locataires peuvent néanmoins mettre fin à tout moment à cette prolongation par la signification de l’un de ces actes.
En présence d’un marché immobilier à la baisse, le locataire doit si son bailleur ne lui a pas délivré congé, signifier une demande de renouvellement de son bail.
En effet, ce n’est qu’à compter de la date d’effet de cette demande que le loyer du nouveau bail sera fixé à la valeur locative de marché.
A l’inverse, et en présence d’un marché immobilier à la hausse, et si le bailleur n’a pas signifié de congé, le locataire s’abstiendra de signifier une demande de renouvellement, puisque dans ce cas, le bail se poursuivra par tacite prolongation aux charges et conditions en vigueur.
L’optimisation des stratégies immobilières du locataire.
Nombre de locataires qui :
- souhaitent en fin de bail disposer d’un délai « confortable » pour arrêter, au mieux de leurs intérêts, leur choix entre le renouvellement de leur bail ou le transfert de leurs activités dans des immeubles de première main, moins coûteux et offrant de meilleurs prestations,
- souhaitent pouvoir se maintenir dans leurs locaux à raison du manque de visibilité à plus ou moins court terme des fluctuations de leur activité, tout en conservant la possibilité de les restituer sans délais et sans indemnités,
- ont l’opportunité de transférer leurs activités dans un autre immeuble dont la disponibilité est éloignée de l’échéance contractuelle de leur bail,
- souhaitent signer un bail de locaux en état futur d’achèvement dont la prise de possession ne peut intervenir qu’à une date parfois très éloignée de l’échéance contractuelle de leur bail, et qui, à raison des aléas inhérents à l’acte de construire, est susceptible d’être modifiée,
Ignorent souvent que la mise en œuvre de la procédure en fixation du prix du bail renouvelé et l’exercice du droit d’option de l’article L. 145-57 alinéa 2 du code de commerce leur permet très simplement et en toute légalité de répondre à ces attentes.
Cette faculté est une des particularités du statut des baux commerciaux : ainsi, le locataire peut, tant que le loyer du nouveau bail n’est pas définitivement fixé, renoncer librement au renouvellement de son bail ; de même, le bailleur peut dès le jour suivant la date d’effet du congé sans offre de renouvellement (et offre d’indemnité d’éviction) exercer son droit de repentir (article L. 145-58 du code de commerce) en renonçant à l’éviction de son locataire et en lui proposant le renouvellement du bail. Il est à noter que ce repentir replace le locataire dans la situation d’un locataire ayant reçu un congé avec offre de renouvellement, situation qui est évoquée ci-après.
Une bonne utilisation des textes permet donc au locataire de bureaux de se maintenir dans ses locaux pendant une durée d’au moins 3 années (durée approximative d’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé), tout en conservant le droit de les restituer, à tout instant, et sans préavis.
L’incidence financière de ce maintien dans les lieux après la fin du bail est quasi nulle : au loyer en vigueur va se substituer une indemnité d’occupation dont le montant est de jurisprudence constante égale à la valeur locative. Un bail de bureaux commerciaux étant généralement indexé annuellement sur l’indice INSEE du coût de la construction, le différentiel entre le dernier loyer en vigueur et l’indemnité d’occupation est négligeable. Il peut même être profitable au locataire lorsque par l’effet de cette indexation, le loyer en cours a été porté à un montant supérieur aux loyers de marché ! Quoiqu’il en soit cette indemnité d’occupation est, dans son principe, égale à la valeur locative qui est fixée par le juge des loyers commerciaux pour autant qu’il soit saisi d’une telle demande.
La situation du bailleur n’est pas, à ce stade, particulièrement confortable : cette situation locative qu’il ne maîtrise plus et dont il aimerait bien pouvoir connaître la tournure que seul le locataire est en mesure de lui donner, peut souvent le conduire à faire des concessions sur le prix du loyer du bail en renouvellement.
L’utilisation cumulée des articles L. 145-10 du code de commerce (qui régit la demande de renouvellement du locataire) et L. 145-57 (qui prévoit le droit d’option du locataire) permet au preneur de s’affranchir de tout délai lorsqu’il décide durant la période postérieure au congé ou à la demande de renouvellement de restituer ses bureaux.
Conditions d’exercice par le locataire de son droit d’option
Conditions de fond.
Ce droit d’option ne peut être exercé que si les deux conditions suivantes sont remplies :
Un bail auquel il a été mis fin par :
la signification par le bailleur d’un congé avec ou sans offre de renouvellement (mais dans ce dernier cas, à charge pour lui, de régler au locataire une indemnité d’éviction),
ou encore par,
la signification par le locataire d’une demande de renouvellement de son bail – sans mention du nouveau loyer – acceptée par son bailleur. Cette acceptation peut être soit expresse, soit tacite lorsque le bailleur ne répond pas à la demande de renouvellement du locataire dans le délai de 3 mois suivant sa signification (article L.145-10 alinéa 4 du code de commerce).
Un droit dont l’exercice ne doit pas être prescrit.
En vertu de l’article L. 145-60 du code de commerce, toutes les actions issues du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.
Dès lors, si aucune des parties n’introduit d’action en fixation du loyer dans le délai de 2 années qui suivent la date d’effet du congé ou de la demande de renouvellement, le bail se trouve définitivement renouvelé au prix antérieur et le locataire ne peut plus exercer son droit d’option .
Par contre, si le prix du loyer du bail renouvelé fait l’objet d’une procédure en fixation (introduite avant l’expiration du délai de deux ans suivant sa date de renouvellement), le locataire peut à tout moment au cours de cette procédure et au plus tard avant l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de la décision définitive fixant le prix du loyer du bail renouvelé, exercer son droit d’option.
La durée minimale pendant laquelle le locataire peut se maintenir dans ses locaux correspond à celle de la procédure en fixation du loyer, qui, en cas d’appel n’est jamais inférieure à trois années…
Conditions de forme de l’exercice du droit d’option.
Le texte est muet : dès lors, le droit d’option peut être exercé soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par acte extrajudiciaire.
Pour des raisons évidentes de preuve, l’on privilégiera la signification de l’exercice de ce droit par acte extrajudiciaire.
Conditions de délais de l’exercice du droit d’option.
Deux délais sont à distinguer :
le premier est le délai pendant lequel le droit d’option peut être exercé.
le second est le délai à respecter par le locataire entre la date de signification de l’exercice de son droit d’option et celle de restitution des lieux loués annoncée dans l’acte extrajudiciaire.
Délai pendant lequel le droit d’option peut être exercé.
Le droit d’option peut être exercé :
en l’absence de procédure en fixation du prix du loyer du bail renouvelé, à tout moment à l’intérieur du délai de deux années suivant la date de renouvellement du bail,
en présence d’une procédure en fixation du prix du loyer du bail renouvelé introduite avant l’expiration du délai de deux années suivant la date de renouvellement du bail : à tout moment durant le cours de cette procédure et au plus tard avant l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de la décision définitive fixant le prix du loyer du bail renouvelé.
Délai de préavis à respecter par le locataire entre la date de signification de l’exercice de son droit d’option et celle de restitution des lieux loués mentionnée dans l’acte.
La loi étant totalement muette, la jurisprudence considère que le locataire n’a pas de délai particulier à respecter, la Cour d’Appel de Paris ayant même jugé que le départ du locataire constituait à lui seul l’exercice de ce droit !
Stratégies locatives dont la mise en œuvre permet (1) le maintien du locataire dans les lieux loués pendant une durée approximative de trois années et (2) le bénéfice de la faculté de restituer les lieux loués à tout moment sans contrepartie financière.
Le bail en vigueur n’a pas été dénoncé par l’effet d’un congé délivré par le bailleur.
Il se poursuit donc par tacite prolongation.
Dans ce cas, le locataire peut (sauf si le marché est à la baisse) laisser le bail se poursuivre par tacite prolongation à laquelle il peut mettre un terme à tout moment en signifiant congé dans les termes, conditions et délais de l’article L. 145-9 du code de commerce.
Si le marché est à la baisse, le locataire fera signifier par acte d’huissier une demande de renouvellement sans précision du prix du loyer.
Le bail en vigueur a été dénoncé par l’effet d’un congé avec offre de renouvellement signifié par le bailleur.
Le bailleur s’abstient de saisir le juge des loyers commerciaux d’une demande de fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
Dans ce cas, le locataire peut attendre pendant un délai maximum de deux années suivant la date d’effet du congé. Pendant cette période, il peut à tout moment exercer son droit d’option.
Par contre, le locataire doit, si son bailleur s’en abstient, impérativement lui notifier avant l’expiration du délai de deux années suivant la date d’effet du congé, un mémoire en demande aux termes duquel il se contentera de mentionner qu’il est en désaccord avec le montant du loyer sollicité par le bailleur.
La notification de ce mémoire interrompt en effet la prescription de l’article L. 145-60 du code de commerce et fait courir un nouveau délai de prescription qui peut ainsi être à nouveau interrompu par la signification d’un deuxième mémoire.
(b) Le bailleur a saisi le juge des loyers commerciaux d’une demande de fixation du prix du loyer du bail renouvelé.
Dans ce cas, il suffit au locataire de contester le montant du loyer sollicité par son bailleur ; le juge des loyers commerciaux procédera alors à la désignation d’un expert judiciaire ayant pour mission de réunir tous les éléments permettant de fixer la valeur locative des lieux loués. La durée moyenne d’une expertise judiciaire est de l’ordre de 8 à 12 mois, aux termes de laquelle le greffe de la juridiction convoquera les parties à une nouvelle audience.
Dans le cadre de cette procédure, il suffit tout simplement au locataire de contester l’estimation effectuée par l’expert et de revendiquer la fixation du loyer du bail renouvelé à un montant qui ne puisse pas être accepté par le bailleur.
Le juge des loyers commerciaux rendra alors un jugement fixant le prix du loyer du bail renouvelé (qui généralement est peu ou prou celui proposé par l’expert) dont le locataire pourra interjeter appel.
La durée de la procédure d’appel est de l’ordre de 12 à 18 mois, durée au cours de laquelle le locataire peut toujours, et à tout moment, exercer son droit d’option…
Au total, entre la durée de la procédure de première instance (qui comporte deux audiences devant le juge des loyers commerciaux et l’exécution d’une mesure d’expertise) qui est généralement de l’ordre de deux années, et celle d’une procédure d’appel qui est au minimum d’une année, le locataire conservera le bénéfice de l’exercice de son droit d’option pendant près de trois années.
Par contre, et en application de l’article L. 145-57 alinéa 2 du code de commerce, ce droit d’option ne peut plus être exercé à l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de l’arrêt de la Cour d’Appel.
Les utilisateurs de bureaux de grandes surfaces mesureront ainsi l’étendue du bénéfice qu’ils peuvent tirer de l’exercice de ce droit méconnu : à la recherche d’un site alternatif ou dans l’attente de la mise sur le marché de bureaux de première main, aux coûts d’exploitation de mieux en mieux maîtrisés et offrant des prestations issues des dernières technologies, ils disposent ainsi d’une grande flexibilité leur assurant la maîtrise de leurs stratégies immobilières.