JURISPRUDENCE
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Des conséquences des clauses d’indexation réputées non écrites

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Restitution sur le loyer initial et non sur le loyer indexé

Calcul des restitutions sur le loyer initial et non pas sur le loyer indexé 5 ans auparavant

Des conséquences des clauses d’indexation réputées non écrites : les restitutions se font sur le loyer initial et non sur le loyer indexé à la date du point de départ de la prescription quinquennale (Civ. 3ème, 25 janvier 2025, n° 23-18.643, publié au bulletin).

Une solution pourtant évidente

La solution allait pourtant de soi – malgré l’absence de tous textes légaux – ce qui n’avait toutefois pas empêché un nombre important des juges du fond de retenir une solution contraire, décidant que le calcul des restitutions des indexations illicites dans la limite de la prescription quinquennale devait se faire sur la base du loyer indexé 5 années auparavant et non pas sur la base du loyer initial (CA Colmar, Chambre 1, 13 juillet 2022, n° 20/01749, CA Aix, Chambre 1, 27 mai 2021, n° 18/18195, CA Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 8 janvier 2019, n° 18/03148, TJ Strasbourg, 12 novembre 2020, n° 16/02058, Tribunal Judiciaire de Paris, 18ème Ch. 1ère Section 5 octobre 2021 n° 17/02272).

Une interprétation erronée d’un arrêt antérieur

En réalité, ces décisions partaient d’une lecture tronquée si ce n’est hâtive d’un arrêt de la 3ème Chambre de la Cour de Cassation du 6 juillet 2017 rendu en matière de baux d’habitation (Cass. 3ème Civ., 6 juill. 2017, n° 16-16.426). Au visa de l’article 2244 du code civil, la Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris en jugeant que :

« La locataire ne pouvait contester le jeu de l’indexation plus de cinq ans avant sa demande et que la créance de restitution ne pouvait être calculée sur la base du loyer initial mais devait l’être sur celle du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription. »

Analyse du contexte

Encore fallait-il pour apprécier la portée de cette décision prendre connaissance des circonstances de l’arrêt d’appel cassé (CA Paris, 16 févr. 2016, n° 14/20013) ; au présent cas, il s’agissait d’un arrêt rendu en matière de bail d’habitation dans une espèce où le loyer d’origine était celui d’un bail conclu le 25 janvier 1975, lequel avait été renouvelé de très nombreuses fois (entre 6 et 12 fois selon que sa durée initiale était de 3 ou 6 années) et ce, par l’effet de la tacite reconduction jusqu’en avril 2014, soit pendant près de 39 années ! A chaque renouvellement, c’était donc le dernier loyer contractuel indexé de par la loi (et donc le dernier loyer indexé même indûment) qui constituait le loyer à partir duquel les indexations étaient nouvellement pratiquées

Conséquences de l’arrêt

C’est donc en toute logique que la Cour de Cassation a censuré l’arrêt qui conduisait  ainsi, en matière de bail commercial, à calculer les restitutions sur le loyer indexé au point de départ de la prescription quinquennale ; la censure était inévitable.

La Cour de cassation rappelle à cette occasion que l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial n’est pas soumise à prescription (3ème Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, publié ; 3ème Civ., 16 novembre 2023, pourvoi n° 22-14.091, publié).

En conséquence, le locataire à bail commercial qui a acquitté un loyer indexé en vertu d’une clause d’indexation ultérieurement réputée non écrite peut agir en paiement des sommes indûment versées dans les cinq ans précédant sa demande en justice.

Dès lors qu’une stipulation réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation.

Pour limiter le montant de l’indu à une certaine somme, l’arrêt, après avoir réputé non écrite la clause d’indexation, et énoncé que la demande en restitution des sommes indûment versées en vertu d’une clause censée n’avoir jamais existé est une action en répétition de l’indu, soumise à la prescription quinquennale de droit commun, en déduit que la créance de restitution doit être calculée sur la base du loyer initial et non sur celle du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription.

En décidant le contraire, la cour d’appel a violé les textes susvisés (Article 2244 du code civil et L. 145-15 du code de commerce).

C’est donc sur la base du dernier loyer contractuel tel que fixé dans le bail (le loyer d’origine) qu’il convient de calculer les restitutions des indexations illicites et ce, dans la limite de la prescription quinquennale et non pas sur le dernier loyer indexé au point de départ de la prescription quinquennale.

Impact financier des clauses d’indexation illicites

Qu’on se le dise : les conséquences des actions en retranchement des clauses d’indexations des baux commerciaux réputées non écrites peuvent être lourdes de conséquences financières notamment dans les cas où le bail s’est poursuivi par tacite prolongation et où l’indice retenu dans la clause illicite est l’indice du coût de la construction.

La sanction est triple : (a) la clause d’indexation est retranchée du bail (elle disparait pour l’avenir et les renouvellements successifs), (b) le bailleur doit restituer les indexations illicites pratiquées et (c) aussi sur celle pratiquées sur le dépôt de garantie actualisé (si cette action n’est pas encore prescrite) : ne lui restera donc plus que l’action en révision légale triennale du loyer de l’article L 145-38 du code de commerce, et qui, à défaut d’accord entre les parties, est subordonnée à des conditions strictes dans la forme et dans le fond, étant rappelé qu’il appartient au bailleur de rapporter la preuve que la valeur locative statutaire est supérieure au loyer indexé légalement en application de l’article L 145-38 du code de commerce.

Référence officielle

Civ. 3ème 25 janvier 2025 n° 23-18.643 ; publié au bulletin : Lien officiel